Capsule 23
Jacqueline de Bavière, superwoman du XVe siècle ?
Une chose est certaine, cette jolie comtesse de Hainaut (1401-1436) a du tempérament.
Son premier mariage à 14 ans avec le duc Jean, dauphin de France, n’est pas long car son époux meurt au bout de 18 mois sans doute d’un empoisonnement. Les possessions de Jacqueline sont importantes et difficiles à gérer surtout à cette époque quand on est une veuve.
Deuxième mariage. Elle s’empresse donc de se remarier avec Jean, duc de Brabant. Un sot ! De caractère faible, de santé fragile, il est l’opposé de Jacqueline. En perpétuels désaccords avec son mari, elle s’enfuit en Angleterre où elle tombe amoureuse d’Humphrey, duc de Gloucester et frère du roi d’Angleterre Henry V.
Troisième mariage avec Humphrey en 1423, sans doute plus attiré par l’ampleur des possessions de la comtesse que par son caractère fougueux. Mais il y a un hic. Jacqueline est toujours mariée avec le duc de Brabant. Elle est donc bigame. Seul le pape peut trancher et accepter le divorce avec Jean. Mais il tergiverse. Ce nouveau mariage avec un Anglais fait bondir de rage le duc de Bourgogne Philippe le Bon qui a des vues sur les possessions de Jacqueline. Cependant Humphrey est bien décidé à s’imposer par les armes en Hainaut. A la tête d’une armée il entreprend le siège de Braine-le-Comte. Devant la résistance de la ville et pour veiller à ses intérêts anglais, il conclut une trêve et décide de rentrer en Angleterre sans son épouse mais en emmenant dans ses bagages une des séduisantes dames de sa suite. Jacqueline reste seule à Mons mais un mari chassant l’autre, elle doit immédiatement faire face à Jean, duc de Brabant et à Philippe le Bon qui conquièrent les villes du Hainaut. En mai 1425, les troupes ennemies apparaissent devant Mons. Après plusieurs jours de combats et beaucoup de dégâts, les Montois, au lieu de soutenir leur comtesse décapitent un de ses fidèles lieutenants. Jacqueline comprend qu’elle a perdu la partie. Elle capitule en juin 1425 et Philippe restitue le comté au duc de Brabant. Jacqueline est emprisonnée à Gand ; mais coup de théâtre ! Elle parvient à s’échapper déguisée en homme et gagne la Hollande où elle organise la résistance contre les Bourguignons. Un moment de honte étant vite passé, elle se résout à demander de l’aide à Humphrey, son troisième mari. Après une défaite en 1426 en Zélande, l’armée anglaise rentre rapidement à Londres. La voici d’autant plus seule que le pape Martin V a annulé son mariage avec Humphrey et que ses troupes vont de défaite en défaite. Il est grand temps de penser à la paix. La Réconciliation de Delft met un terme aux conflits et les deux cousins vont de ville en ville (notamment à Mons) pour faire leur Joyeuse Entrée et organiser des tournois et des banquets somptueux. Cependant, Philippe le Bon prend de plus en plus d’ascendance dans nos régions. Et après la mort du 2e mari, Jean de Brabant en 1427, elle est obligée, par étape, de remettre le comté de Hainaut et ses autres possessions entre les mains de son cousin bourguignon.
En 1428, Jacqueline se retire en Zélande où Franck van Borselen, noble local, est chargé de la surveiller. Mais Cupidon est en embuscade …
Quatrième mariage. Enfin l’amour ? Oui mais le bonheur est de courte durée car Philippe le Bon n’est pas d’accord avec ce mariage. En fait, il a peur que Jacqueline n’ait un héritier qui pourrait revendiquer les possessions familiales. Philippe le Bon (bon prince pour une fois) propose un marché : il laisse le choix à Jacqueline, – soit elle lui cède à titre définitif tous ses États, épargnant la vie de son nouvel époux, – soit il exécute Frank van Borselen. Jacqueline choisira sans hésiter la première proposition et par un nouveau traité, elle délaisse tous ses États, titres et droits, à son cousin Philippe, épargnant une exécution à son quatrième époux. C’est ainsi qu’en 1433, le Hainaut est officiellement rattaché aux possessions bourguignonnes mettant un terme à l’autonomie séculaire du comté. Le couple est relégué en Hollande méridionale au château de Teylingen. Frank, avec le temps, obtient à nouveau quelques faveurs de Philippe le Bon et sera régulièrement envoyé en mission par son souverain. Mais Jacqueline, minée par l’ennui, le climat humide et peut-être par la tuberculose décède en 1436. Elle avait 36 ans.
Quatre mariages et un enterrement… Celui de l’indépendance du Hainaut !
Alors Jacqueline, superwoman ou simplement un pion dans l’échiquier de la politique à l’époque de la guerre de Cent Ans ? Difficile de répondre à cette question mais une chose est certaine le pion était d’un acier des plus solides. Amour, jalousie, ambition, cupidité, violence, pouvoir, trahison … Dallas, Vikings ou Games of Thrones n’ont rien à envier à la vie tumultueuse de notre comtesse.
Gérard Waelput